La recherche

1. Un point de départ : le village de Quintaine en Bourgogne

La toponymie et le tracé des voies semblent avoir fossilisé un camp romain sur le site de Quintaine, commune de Clessé, à 12km au nord de Mâcon.

 

Source : géoportail

Sources latines possibles des toponymes : praetorium, portae, fossae, prata legionis, triviae, via quintana

 

 

2. Hypothèse : les toponymes en Quint- conserveraient-ils la trace d'un camp romain ?

On trouve d'autres indices en Grande-Bretagne, avec les toponymes Quinton et Kinton :

- au sud de Coventry le camp romain de Lunt (en) a été reconstitué dans les années 1970 ; à 2 km au nord on trouve un Quinton Park...


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- près du Pays de Galle, le village de Leintwardine se superpose au camp de Bravonium (en) ; à 200 m, un hameau porte le nom de Kinton...


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3. Quels toponymes ?

En France : Quintaine, Quintin, Quintine et sans doute Quint, La Quinte (?)... mais aussi des formes dérivées : Tinténiac, Tintignac, Quinssaines (attestées Quintiniac)...et peut-être aussi les formes Cantine, Cantone, Canton ?  Et encore, Saint-Quintin, Saint-Quentin...

En Grande-Bretagne : Quinton, Kinton, Kenton... et peut-être Kington... Les noms des saints sont également présents : St-Quintin, St-Quentin...

En Allemagne : Xanten (il existe un Xanton en France, près de Chassenon), Kunzig (attesté Quintanis)...

En Espagne : Quintana, Quinta, Quintanilla...

Si toutes ces formes sont retenues, le nombre de sites concerné est important.

De plus, au cours de la recherche, on rencontre de nouvelles formes "reconnues" notamment par leur voisinage géographique avec d'autres formes étudiées ou à cause de leur contexte (voisinage d'un site, d'une voie etc.). Cela a été récemment le cas, en France, pour les formes : Chanteraine et Chanteloup. Une fois testées, les deux semblent devoir être retenues également. En Grande-Bretagne, une approche de site a conduit à envisager : Little Cotton, Collaton...

4. Des noms et des mots apparentés ?

  • Le domaine militaire

Les mots quintaine, cantine, canton, cantonnement en français, l'espagnol quinta (le tirage au sort des conscrits) sont liés aux choses militaires.

En espagnol le mot cantón désigne le cantonnement des troupes. En français, le terme "canton militaire" apparait dans la l'ordonnance de 1726 relative aux milices des provinces.

La centaine mérovingienne désigne à la fois le territoire et le contingent militaire chargé d'y maintenir l'ordre.

En argot ancien, le canton est la prison (l'expression "le comte du canton" désigne le geolier). En Limousin, la quintaine de Saint-Léonard de Noblat, patron des prisonniers, est une prison.

  • Les taxes et impôts

Le quint, le droit de quintaine (ou ban vin)... la quinta espagnole...

  • La vente aux enchères

La vente à l'encan (ou enquant)... en espagnol, subasta (sub hasta)... sous la lance... ne pourrait-elle avoir un rapport elle aussi ?

 

Ces mots pourraient-ils avoir une racine commune ?

 

5. Le Quintana romain

  • Via Quintana

C'est la voie quintane, située dans le camp entre le 5ème et le 6ème manipule.

Selon Végèce, c'est là que s'effectue l'entrainement. C'est aussi là que se situent les boutiques... et où se tient le marché (Polybe).

  • Quintana

Le mot désigne chez Suétone la vente à l'encan du produit des rapines de Néron.

Un texte d'Hélène Cuvigny est intitulé : "Quintana, la femme métamorphosée en taxe"... Le terme n'avait pas été compris, mais il lui semble qu'il désigne une taxe sur la vente des esclaves notamment, perçue par un fermier des taxes (Krokodilo) et elle note que, par métonymie, le terme a pu désigner le marché.

  • Quintanarii

Apparaissant sur un ostraca de Bu Njem, le terme semble désigner des soldats à l'entrainement... Robert Marichal (1979) p.443 formule cette hypothèse en précisant que c'est parce que l'entrainement a lieu tous les 5 jours : "les quintanari sont les soldats à qui est imposé l'exercice du cinquième jour" et réfute la relation avec la via quintana et la quintaine médiévale "qui nécessiterait un exposé spécial".

 

6. Toutes premières recherches

En réalité, telle qu'elle est présentée ci-dessus, la recherche est déjà le résultat de quelques hasards, d'intuitions, de sondages et d'investigations croisées (voir la  sérendipité ) qui ont permis d'en penser le développement.

Son véritable point de départ n'est pas le village de Quintaine, découvert lors de la consultation systématique des cartes ign pour ce toponyme, mais le site de Tintignac en Corrèze. L'explication du toponyme basée sur Quintiniac(um), du nom d'un homme Quintinius, ne me satisfaisait pas d'une part du fait de l'ampleur du site et d'autre part à cause du constat que j'avais fait - au cours de mes déplacements et observations paysagères - de toponymes similaires situés sur ce qui me semblait alors des sites apparentés (point haut dominant une vallée) : Quinssaines près de Montluçon, Trintinhac près de Brioude, Quintin en Côtes d'Armor, Quinsat près de Bourganeuf... Et la première idée qui venait alors était celle de stations routières, par analogie avec le site de Tintignac.